Les voies du Seigneur sont impénétrables...

Six heures moins le quart ! 

Ouf j'arrivais juste à temps…

Mais Sophie allait m'entendre, un raccourci qu'elle disait… Une heure de marche en plus, oui !

Je calmai un peu ma respiration et rentrai dans la petite église. Elle ne payait pas de mine, j'étais un peu déçue : on m'avait vendu du rêve et je me sentais presque comme arnaquée. Ces paysans de montagne devraient faire un tour à la capitale avant de clamer sur tous les toits la beauté de leur village, au moins, ils auraient matière à comparaison.

Si les dalles au sol étaient impeccablement récurées, au mur, la pierre était crasseuse et des toiles d'araignée pendaient dans les coins. Paradoxe d'une communauté de fidèles qui essaye tant bien que mal de faire vivre son patrimoine architectural… Tout ceci n'était pas bien accueillant, mais puisque j'avais enfin franchi le parvis autant en profiter pour faire un tour.

Le nez froncé à cause de l'humidité qui suintait, je m'engageai donc. J'essayais de me rappeler les cours de catéchisme… Peine perdue n'y ayant pas été très assidue ! Je mimai alors vaguement un signe de croix et haussai les épaules en remarquant qu'il n'y avait personne pour voir mon ignorance.

J'avançai vers le chœur afin d'embrasser du regard l'ensemble de l'édifice et admirer les vitraux.

"Tada tada tada tatatam …"

J'étais plongée dans la contemplation d'une statue quand la Lettre à Élise retentit. Les joues en feu, je décrochai malgré tout, me croyant seule dans le bâtiment.

- Allô ? Sophie ? Je te remercie pour ton raccourci !

- Haha, oui j'en ai discuté après ton départ avec l'aubergiste et il m'a dit que c'était pas le meilleur trajet, mais bon tu es arrivée à destination, c'est ça qui compte ! 

Ce qu'elle pouvait m'agacer à toujours prendre les choses à la légère quand même !

Je sentis soudain une présence dans mon dos et mis Sophie en attente :

- Je vais bientôt raccrocher, je crois qu'il y a du monde…

Je me retournai et me trouvai face à un jeune homme à la mine sévère. Montrant du doigt mon téléphone, il gronda :

- Pas cela dans la maison de Dieu.

Résonnant dans l'église, cette phrase semblait datée d'un autre âge, comme tout droit sortie du film Le Gendarme à St Tropez, avec de Funès.

En pouffant, je mis fin à ma conversation :

- Bon va falloir que je te laisse, y'a un vieux grincheux qui me fait les gros yeux...

L'importun était toujours planté devant moi.

Je rangeai l’objet du délit et avec une mine faussement contrite, je lui dis :

- J'essaierais de m'en souvenir, Monsieur.

Le regard noir qu'il me lança me fit baisser les yeux.

- Je connais une bonne méthode pour ne plus l'oublier...

Il me jaugea de haut en bas, semblant hésiter.

Retrouvant alors confiance en moi, je lui décochai mon plus beau sourire. Face à cette dernière provocation, fronçant les sourcils, il me prit par le bras fermement et ouvrit la porte qui menait à la sacristie. Dans le mouvement, mon sac chut et je priai alors pour que mon téléphone n'eût aucun dommage. Mais cette préoccupation devint le cadet de mes soucis lorsque l’homme s'assit sur une chaise et me bascula brutalement sur ses genoux. Me sermonnant, il commença à me claquer sèchement le derrière. Il me rappela combien le respect et la bienséance étaient ô combien importants et il comptait sur une bonne leçon pour m’apprendre enfin les bonnes manières. Ma voix tirant vers les aigus tant à cause de la douleur que de l’indignation, je lui fis alors part de ma façon de penser :

- Mais vous êtes malade ? Faut aller consulter mon vieux !

- Avant, je vais te guérir de ton insolence, Mademoiselle.

Et mettant à exécution sa menace, il redoubla d’efforts. À ce moment-là, je remerciais le ciel d’avoir mis mon short le plus épais ce jour-là. Sa main frappait durement mon jean brut, alternant mes fesses droite et gauche. Gigotant vainement depuis le début de cette correction inattendue, je me débattis soudain franchement et tentai de protéger mon malheureux postérieur avec mes mains.

En soupirant, il s’interrompit. Je pensais alors bien naïvement avoir remporté la bataille et je remuai de plus belle. Mais d’une main, il me saisit les poignets, les bloquant ainsi dans mon dos. M’étant crue momentanément sauvée, j’étais dépitée lorsque la fessée reprit. Et pour un jeune homme bien propre sur lui, ressemblant plus à un scout versaillais qu’à un autochtone, il y mettait une application bien insoupçonnable en d’autres circonstances.

Sans doute fatigué et la main en feu, il me laissa le choix :

- À présent, Mademoiselle, soit vous baissez vous-même votre short, soit je continue sur vos cuisses…, et se rapprochant de mon oreille, il me chuchota, narquois, et je vous préviens cela fait mal !

- Allez vous faire foutre !, hurlais-je en tentant de me relever.

- Comme vous voudrez !

Et joignant le geste à la parole, il commença à s’attaquer à mes cuisses, m’expliquant que ma tenue était peu appropriée pour rentrer dans un édifice religieux mais que je n’allais pas tarder à regretter mon choix vestimentaire. Malgré les claques qui n’avaient absolument rien d’une sinécure, je réussis à lui rétorquer qu’il avait une mentalité de vieux con réac et qu’il ferait mieux de sortir de temps en temps de sa campagne. Il tenta alors de masquer un rire discret en se vengeant sur ma chair. J’étouffai un cri mais pas mon juron lorsqu’il visa la peau si sensible de l’intérieur des cuisses. Et ne résistant pas à une énième impertinence, je lui appris, cherchant à le choquer, que ce mini-short était ce que j’avais de plus long dans ma garde-robe. Mais loin de s’offusquer, il s’appliquait simplement à marquer mon épiderme qui commençait à chauffer sérieusement. M’ayant à l’usure, après une ixième claque, je rendis les armes.

- Stop ! C’est bon, vous avez gagné.

Ces mots m’arrachant littéralement la bouche avaient eu au moins le mérite de faire cesser mon supplice. Il m’aida à me relever, face à lui. Devant son sourire satisfait de celui qui admire son travail bien fait, je ne pus me résoudre à me taire.

- Mais vu votre gabarit, vous n’en retirez aucune gloire. C’est presque lâche !

Ma pique ayant atteint cette fois son but, il me donna un coup sec sur la cuisse. Je ravalai la remarque acerbe qui me brûlait la bouche et déboutonnai mon short.

C’est à ce moment précis que je me souvins, soudainement, que je portais… ma ridicule petite culotte rose bonbon avec Hello Kitty en effigie. C’était un cadeau d’anniversaire que ma sœur avait jugé drôle de m’offrir pour mes vingt ans. Elle pensait ainsi que détestant la couleur, je ne la porterais jamais. Mais mon esprit de contradiction étant ce qu’il était, par bravade, je mettais un point d’honneur à la détromper. En plus ce petit bout de tissus était confortable. Mais là, dans cette situation plutôt incommode, il était hors de question que cet homme qui aurait tout à fait eu sa place au séminaire puisse l’admirer. Je suspendis alors mon geste, ce qui agaça mon bourreau.

- Tu veux que je t’aide ou je n’ai pas été assez persuasif, tout à l’heure ?

Rougissant jusqu’aux oreilles, je secouai nerveusement la tête. J’avais perdu tout mon panache pour une histoire bête comme chou, cela m’irritait prodigieusement mais je n’arrivais pas à passer outre. Perdant patience, il entreprit de baisser lui-même mon short et apercevant l’objet de mes tourments, il partit dans un grand éclat de rire moqueur.

Vexée, je retrouvais alors ma superbe :

- Ce n’est pas très charitable pour un croyant.

Je lui tirai la langue et par défi m’installai de mon propre chef sur ses genoux afin qu’on en finisse une bonne fois pour toutes avec cette absurdité. Je lui avais rabattu son caquet alors il pouvait bien me fesser jusqu’au sang si cela lui chantait, moi, j’étais satisfaite !

Il reprit alors mon châtiment sans plus attendre.

- C’est bien Mademoiselle d’accepter la punition, c’est le chemin vers la repentance.

Oui, eh bien qu’il n’en rajoute pas trop non plus, sinon je risquerais de ne plus pouvoir me retenir de lui balancer le chapelet d’insultes qui me brûlait les lèvres.

Je tentais de supporter la correction le plus dignement possible, mais quand après quelques coups supplémentaires, il voulut baisser ma ridicule petite culotte, je ne pus m’empêcher de la retenir, dans un cri. Me cramponnant à mon dernier rempart comme une perdue, il me donna quelques tapes sèches sur les doigts pour me faire lâcher ma prise.

- Vos mains, Mademoiselle !

Il répéta cet ordre deux ou trois fois avant de se décider de sévir : une claque magistrale sur le haut de la cuisse ; je me cabrai tel un cheval en colère. La douleur me fit oublier momentanément ma culotte, et lui, le fourbe en profita pour m’attraper les bras qu’il bloqua à nouveau dans mon dos. Ondulant sur ses genoux comme une anguille, je tentais de lui filer entre les doigts. Excédé, il me noua les poignets avec une ceinture de soutane qu'un enfant de chœur avait dû oublier là après un office.

Le champ à présent libre, il n’eut aucun état d’âme à me mettre à nu tout en me rappelant qu’une vraie fessée se donnait déculottée.

- Tout de même, Mademoiselle à votre âge, vous n’avez pas honte de devoir recevoir une fessée déculottée ? C’est regrettable…

Mais quel connard ! Heureusement pour moi – et surtout mon postérieur ! –, j’étais trop occupée à serrer les dents afin de ne pas lui faire le plaisir de crier – ou pire le supplier… – pour lui formuler l’exact état de mes pensées.

- Personne ne vous a forcé à ce que je sache…, marmonnai-je dans ma barbiche en levant les yeux au ciel.

Il continuait à me fesser, avec une régularité de métronome qui commençait à sérieusement m’inquiéter. Et n’obtenant aucune réponse, physique ou orale, je crus un moment qu’il n’avait pas entendu et cela valait sans doute mieux pour moi. Mais il redoubla bientôt d’ardeur.

- Si, votre comportement !

J’avais encore loupé une occasion de me taire. Les claques pleuvaient dru. J’étais épouvantablement vexée, à dix-huit ans passés, me faire sermonner comme une gamine mal élevée… Je n’osais y croire. Un inconnu me donnait ma première fessée et elle était tout sauf petite. J’avais perdu tout espoir de m’en sortir. J’étais complétement dépendante de son bon vouloir et pour le moment, il semblait s’efforcer à rendre mes fesses aussi rouges que le sang du Christ. Je songeai un instant à Sophie. Mon Dieu… je ne pourrais jamais lui raconter, ça. Mais comment j’allais le cacher ? Ma valise ne contenait que des vêtements courts et légers. Peut-être que ma jupe pourrait me couvrir jusqu’aux genoux… mais il suffirait d’un coup de vent pour tout révéler ! Je refusai catégoriquement l’idée de finir mon séjour en pantalon de K-Way, le seul que j’avais apporté. Et me faire porter pâle et rester au lit atteindrait rapidement ses limites. En plus, Sophie risquerait de s’inquiéter… C’était décidément un très mauvais plan…

Mais pourquoi avait-il fallu que je vienne dans cette église ? J’aurais dû rester avec Sophie. Au moins, mes fesses auraient été indemnes. J’avais l’impression qu’il ne terminerait que lorsque j’aurais le derrière uniformément bleu. J’avais arrêté de gigoter, sentant que cela ne faisait que l’agacer. J’essayais de rester digne, d’encaisser en serrant les dents, mais je laissais pourtant échapper des petits cris étouffés et des gémissements de temps en temps. Le temps semblait suspendu, peut-être que cela faisait une heure qu’il me martyrisait… En tout cas, c’était tout comme : mes fesses mettraient peut-être une semaine à s’en remettre…

Mais qu’attendait-il enfin pour s’arrêter ? Une petite voix perfide me suggéra de lui faire des excuses. Irritée, j’écartai aussitôt l’idée. Et puis quoi encore ? Une révérence et un baise-main ?! C’est lui qui devrait plutôt m’en faire des excuses.

Une claque nettement plus marquée me sortit soudainement de mes pensées. Il avait chopé un livre qui traînait sur la table et s’appliquait à me faire rentrer les principes catholiques à grand renfort de coups. Je rêvais ou il me fessait avec une bible ? Et si sa main pouvait se fatiguer, là j’avais vraiment des soucis à me faire… La mort dans l’âme, je me résolus à rendre les armes.

- Non ! Stop ! C’est bon, j’ai compris…

            Un peu surpris, il me donna encore une volée avant de s’interrompre.

            - Et qu’avez-vous compris, je vous prie ?

            Je pris mon temps pour lui répondre. Je ne voulais pas prendre le risque qu’il recommence à faire mourir mon malheureux derrière mais à la fois, je n’arrivais pas à me résigner totalement et me coucher devant lui. J’essayais de trouver un compromis pas trop dangereux.

            - Je… je me couvrirai plus la prochaine fois que je rentre dans une église.

            Il ne s’attendait pas à ce genre de réponse mais je savais aussi que ce n’était pas tout à fait ce qu’il voulait entendre. Dans l’expectative, j’espérais toutefois que cela lui conviendrait. Mais pouvait-il me laisser m’en tirer à si bon compte…

 

(Tétralogie Nos chemins de Damas - Premier volet)




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