Ceci n'est pas une pipe.

Tu m'avais attachée dans ta baignoire. Je n'étais pas certaine que la barre antiglissade de la locataire précédente soit réellement prévue pour ça. Au moins, elle était solide. Face à toi, les yeux bandés, j'attendais. Ton bon vouloir. Vu l'étroitesse du bassin, j'étais obligée d'écarter les jambes en canard, sinon les os de mes genoux frottaient douloureusement contre le rebord. Je te montrais tout ce que tu avais envie de voir. Mes mains au-dessus de ma tête me forçaient à me maintenir accroupie pour éviter une trop grande tension. Tu l'avais fait exprès, j'allais tenir moins longtemps, ça t'allait. Mes petits seins, rendus minuscules, étaient totalement à ta disposition. Mes cuisses masquaient vaguement mon ventre qui devait faire des plis vu l'étrange position dans laquelle tu m'avais mise.
Le jet, soudain. Froid. Très froid. Je hurlai. Une gifle, sans prendre vraiment le temps de maîtriser ta force. Un réflexe face à l'agression sonore. Mon cri avait résonné dans la salle de bain accentuant sa nuisance. Tu m'avais alors saisie par ma tignasse, me bloquant contre les carreaux. J'aurais pu trouver ça injuste – tu savais mon amour pour l'eau chaude, tu l'avais fait sciemment – mais je m'en voulais surtout d'avoir été si instinctive. Je n'avais rien prémédité, toi non plus. 
"On ne crie pas."
Tu avais ponctué cela par de petites tapes sur les joues. J'avais cherché à les esquiver en acquiesçant vivement. Puis, le jet tiède avait remplacé ta main. Me noyant, je secouai la tête pour t'éviter, tant pis pour mes cheveux, que tu continuais de malmener.
Tu cessas de m'arroser. Je toussais, en exagérant un peu.
"C'est ta faute, tu savais..."
Tu me remis la tête sous l'eau. Je me résignai, tu fis une pause. Le jet migra sur mon corps. C'était presque agréable. Tu lâchas mes cheveux.
"Chaud..."
Tu m'exauças. La chaleur sur mon ventre et mes jambes contrastait avec la fraîcheur du carrelage dans mon dos. Je ne tardai pas à déchanter, mon sourire béat ne devant pas être ton but, tu l'innondas, encore une fois. 
Mon corps tremblait, ma mâchoire claquait. Pitié. Tu augmentas le chauffage et la température de l'eau. Engourdie de fatigue et par la vapeur de la pièce, je ressemblais à une sorte de poisson heureux d'être hors de l'eau. Et lui, voyait-il aussi la lumière au bout du tunnel au dernier mouvement de branchie ?
J'avais des taches colorées devant les yeux, et la bouche ouverte. Tu en profitas. J'entendis vaguement ta braguette descendre et des bruits de textile. Puis, ton doigt sur ma langue. Je suçais, par habitude. Et un je-ne-sais-quoi de régressif. La chaleur de ton corps m'enveloppait, même de loin, derrière la baignoire en acier émaillé ; je n'étais pas toute seule. Tant pis pour mes bras qui tiraillaient et mes jambes qui fourmillaient. J'allais m'assoupir en suçant ton pouce quand tu le remplaças par ton membre. Je m'ébrouai, étonnée par l'ampleur subite. Je n'avais pas envie de me battre avec toi, docilement j'obéis à ton ordre silencieux. Je suçais. Sans ardeur. Juste mécaniquement. Sans vouloir te plaire. Ma tête heurta plusieurs fois le mur, je n'avais aucune notion de mon espace. Tu grandissais pourtant, malgré mon peu d'entrain. Je mettais un peu les dents pour te titiller. Tu n'avais pas l'air d'en prendre ombrage. Je ne t'avalais pas entièrement. Te calant parfois contre la paroi de ma joue. Et me gardant bien de ne serait-ce frôler tes bourses. J'étais trop éloignée de tout cela pour songer à te tailler une pipe dans les règles de l'art. Je faisais. Point. Ma nonchalance t'énerva. De ta queue, tu me tapotas la joue d'agacement. J'avais envie de te dire que tu étais un grand garçon. Tu semblas m'entendre. Tu te carressas énergiquement au-dessus de mon corps entravé. Parfois, ton pénis frôlait mes tétons. Je retenais alors un sourire, ton contact me plaisait. Je n'avais pas besoin de plus pour l'heure. Tu jouis d'abord sur mon ventre, dans un grognement qui me fit gémir. Ma cyprine nageait au fond de ta baignoire. Puis, tu me fis l'honneur d'une dernière giclée. Mon bandeau aurait besoin d'un tour en machine. Je sortis ma langue pour goûter un peu ta semence. Tu me réaspergeas d'eau chaude pour nettoyer tout cela. Ta main frotta mon visage pour retirer les dernières traces. Petite souillon, ta voix faussement dure me fit fondre. Me rejoignant dans la vasque, tu me laissas encore un peu attachée. Pour la vue, disais-tu. Puis, on se doucha ensemble.


La Trahison des images,
René Magritte, 1928–1929.

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