Ordres du jour

Tu reposes ta tasse de café. Le bruit me fait presque sursauter. J'ai fini mon petit-déjeuner depuis longtemps. En me tortillant les doigts sous la table, silencieusement, j'essaie de former les phrases dans ma tête. Je me racle la gorge.

- Je... Monsieur, je dois aller... aux chi... toilettes... s'il vous plaît ?

- Monsieur ? Tu oublies un peu vite tes envies de jeu total, non ?

Comment ai-je pu croire que tu ne le remarquerais pas ?

D'un mouvement de sourcils, tu me défies de reculer aussi vite.
Le désir me fige. Des images, des mots tournent dans ma tête. Mes yeux brillent autant d'excitation que de gêne. Je vais vraiment faire ça ?
Alors que je me pose encore la question, je me sens me lever. Me mettre à genoux à côté de ma chaise.

- Maître, puis-je y aller, s'il vous plaît ?

Ma voix enrouée trahit sans vergogne mon agitation.

- Aller où ?

Je ferme les yeux. C'est fou de ne pas savoir dire ce mot sans rougir, quand même !

- Aux... toilettes. S'il vous plaît, Maître ?

Ce n'est que le début de la matinée et ça m'écorche déjà presque la bouche. J'espère qu'avec la course du soleil, ça deviendra moins fastidieux, sinon la journée risque d'être un peu compliquée.

- Tu sais que plus tu cherches à esquiver, moins ce sera facile, n'est-ce pas ?

Je hoche la tête. Si tu es pédagogue ce matin, c'est que je vais possiblement pleurer plus tôt que prévu, si rien que les petites règles sont dures à respecter.

- Tu mériterais vraiment de pisser dans un seau. Devant moi.

Je visualise aussitôt la scène.

- Pardon, Maître.

Je baisse les yeux, priant pour que tu ne mettes pas ta menace à exécution. Je ne suis pas naïve, ça va probablement être au programme, mais si je peux m'éviter de le faire dès à présent, je prends.

- File. 

Ne voulant pas jouer avec le feu plus que nécessaire, je me dirige rapidement vers la porte à quatre pattes.
Une fois à l'intérieur, je prends mon temps. Pour baisser mon short et m'asseoir sur la cuvette. Histoire de calmer les battements de mon cœur, de reprendre mon souffle. De savoir si ça me plaît et de ne pas projeter la suite.
Ta musique d'ambiance me parvient, ça me rassure et j'arrive à uriner normalement. Sans plus me préoccuper du bruit. Connaissant la suite, j'aimerais délester mes boyaux, mais justement mon ventre est trop noué. Je tente de me détendre mais ce n'est guère suffisant. Une petite partie de moi commence à paniquer. Comment vais-je faire pour supporter l'après ? J'avais une sorte de plan pour le vivre au mieux, et ça capote. Y'a pas de plan B... Je passe mes mains sur mon visage, ce n'est rien. Juste un jeu. Il sait à quoi s'attendre. Alors bon... C'est son choix aussi... Je ne suis pas prête du tout à ça. Exposer ce genre d'intimité à quelqu'un. C'est trop pour moi. Il faut que je te le dise. Et puis, on verra bien ce qu'on peut faire de ça... Pas mort d'homme. Je m'essuie tout doucement. La chatte rasée, la légère repousse de poils griffe facilement le papier. Je n'ai pas l'habitude, je dois faire plus attention. Je meurs de honte à l'idée que des résidus restent accrochés. Je ne sais pas comment les autres font...
Je me refagote, forte de ma résolution à t'avouer ma peur. Je me lave les mains. Le filet d'eau m'apaise un peu. Je pousse la porte. Tu es déjà derrière. Je sursaute presque. Tu as éteint la musique. Tu es là depuis longtemps ? Je ne veux pas penser à ce que ça signifie : qu'as-tu entendu, perçu ou non, c'est au-dessus de mes forces, je préfère jouer les ignorantes. Prendre son temps ou expédier la chose, je me demande ce qui accentue plus réellement l'impudeur finalement. C'est à ce moment que tu prends mon collier posé à côté, sur la console de l'entrée. Je rougis d'être encore debout et me mets à quatre pattes. Je n'ai pas encore le réflexe, quand j'avais accepté de passer mon temps dans cette position, je ne m'attendais pas à ce que ce soit aussi compliqué de ne pas l'oublier. Après tout, ça fait plus de vingt-cinq ans que je suis bipède, ça ne s'efface pas si simplement. Je te présente mon cou et tu l'attaches. En serrant un peu. Je bouge un peu la nuque pour tester un peu ma liberté. La peau n'est pas pincée, et je peux baisser la tête et la relever, lentement. Ça aurait pu être plus serré, je m'estime très chanceuse. Mon bassin bloqué entre tes mollets, tu me forces à l'immobilité. Je savoure la chaleur de ton corps contre le mien, mon short et mon débardeur ne cachent pas grand-chose. Le denim rugueux de ton pantalon est loin d'être désagréable contre ma peau. Tu accroches un petit cadenas symbolique pour bloquer la boucle du collier en cuir. Le cliquetis résonne dans mes tempes. Je tressaille. Ne perds pas la clef, s'il te plaît. D'une main entre mes omoplates, tu me tranquillises. Je n'ai plus envie de te dire combien j'appréhende le reste, tu sais déjà tout ça. On va y arriver. Ensemble.

- Allez, on monte.

Je te suis docilement, comme un petit animal domestiqué. Tu me laisses aller à mon rythme, malgré ton doigt crocheté dans l'anneau à mon cou. Mes rotules ont besoin d'un petit temps d'adaptation pour grimper les escaliers sans trop d'inconfort. Je fais de mon mieux. Et pour une fois, je n'abuse pas de la latitude que tu m'offres gentiment. Arrivés en haut, tu me fais avancer un peu plus rapidement, c'est de bonne guerre, alors j'accélère un peu. Avant d'entrer dans la salle de bain, tu m'imposes un arrêt.

- Déshabille-toi.

Je me demandais si tu le ferais pour moi. Tu me permets encore un peu d'autonomie. Je cherche à me lever pour m'exécuter, mais tu retiens mon geste.

- Qu'est-ce que tu fais ? Nul besoin d'être debout.

Je rougis. Et me félicite d'avoir enfilé des vêtements si faciles à quitter ce matin après ma douche. Je fais glisser l'élastique de mon short, me contorsionne légèrement pour le faire glisser à mes chevilles, d'un petit coup de pied, je l'ôte entièrement. Et fais rapidement passer mon débardeur par-dessus la tête. Je plie mes affaires dans un coin, en faisant bien abstraction des légères traces d'humidité qu'elles portent déjà. Je mouille et je sue plus que je le croyais. Mais j'ai évité la honte de m'empêtrer dans mes vêtements et de te faire attendre, je suis contente. Je te souris, fière de moi. Mission accomplie. Tu ne me jettes qu'un petit coup d'œil, satisfait. Tu es alors en train d'installer... ton dispositif.

- Bien, viens.

Tu m'invites à rentrer dans la salle de bain. Ma peur revient au galop, et je me sens blanchir à vue d'œil quand je fixe les canules que tu prépares. J'essaie de réfléchir à toute vitesse, mais je m'emmêle les idées. Je finis par me relever, m'adossant ostensiblement contre le chambranle. Les bras croisés pour me donner une contenance.

- Amaury, s'il te plaît. Tu veux bien me faire essayer... ton truc... hors du jeu ? Pour la première fois ?
Et après, tu pourras jouer doucement avec ma gêne et mon petit ego fragile... Mais pour la première fois, s'il te plaît ?

Tu me regardes un peu moqueur. À croire que tu t'attendais déjà à quelque chose comme ça de ma part. Que veux-tu, je suis souvent prévisible... Surtout que tu sais bien me deviner...




Commentaires

  1. Amaury - prononcé ‘Amore’ ▪️

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Magie de la lecture, on le lit comme on le veut 🤗

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Les plus lus du moment