Le Compte est bon ?

- Bérénice, retourne-toi ! Combien ?

- Je sais pas !

Je pensais m'en sortir en bottant touche… Raté ! Il attend ma réponse.

- Pour toutes mes bêtises ?..

- Non, seulement la moitié, Miss B.

Ce qu'il peut m'agacer quand il est sarcastique ! 

Le miroir me trahit : me voyant rouler des yeux, la sanction tombe sans attendre. Trois claques sèches s'abattent sur mon postérieur encore vierge.

- J'ai horreur de ça et tu le sais !, me sermonne-t-il.

Sous le coup de la surprise, je suis presque tentée de lui demander pardon. Presque.

- Combien ?, me relance-t-il.

Comprenant que sa patience n'est pas infinie, je ne veux pas aggraver mon cas.

Au pif, je lance : "20. À la ceinture."

Je le sens qui étudie ma proposition, dans mon dos.

Je suis folle d'avoir cédé : je m'effondre toujours avant les 10 coups… Alors 20, je vais mourir.

- C’est un bon début, tranche-t-il.

Le ton est donné : je vais vraiment morfler aujourd’hui. Tant pis pour moi, je l’ai un peu cherché…

- Bérénice, en position !

Son intonation est sans réplique pourtant je n’obtempère pas. Je me débats avec mes pensées. Une claque bien appuyée me ramène à la réalité. À quatre pattes, sur mon lit, je creuse mes reins. Un peu.

- Cambre-toi !

Il joint le geste à la parole : appuyant sur mon dos, je n’ai plus le choix. J’obéis. Mes lombaires tirent déjà, je suis tendue avec lui, mais je ne lui ferais pas le plaisir de me plaindre.

Je redresse la tête et nos regards se croisent dans le miroir. Je hausse les sourcils, le défiant silencieusement. Il ne lui en fallait pas plus : la partie peut enfin commencer.

Un sourire carnassier, il déboucle lentement sa ceinture. La fait glisser dans les passants. Je n’en perds pas une miette. Mes yeux se portent à nouveau sur mon reflet : la bouche entrouverte, je ressemble à un poisson hors de l’eau. Aussitôt, je me compose un autre visage, en espérant vainement qu’il ne m’ait pas vue comme ça. 

Clac !

Occupée par ces idées superficielles, je n’ai pas vu le coup partir à défaut de le sentir s’abattre sur ma croupe. Je souffle discrètement. Et j’attends le deuxième. Cette fois, je serais prête.

- Ouch !

Peut-être pas autant que je le pensais, finalement ! Mais je me fais encore croire le contraire. Il sait doser sa force quand il s’y met. Je respire profondément, le plus calmement possible et j’encaisse cinq autres coups.

- Combien ?

Je sors de ma bulle cotonneuse que je me crée à chaque fois.

- Quoi ?

Une claque.

- On dit pardon quand on est polie !

- Mais moi, je ne suis pas polie…

Je n’ai pas le temps de finir ma phrase : une fessée pleut, plus cinglante que la précédente.

- Et c’est justement la raison de cette punition. Tu ne vas jamais apprendre, en fait ? Mais, je ne désespère pas : tu te lasseras avant moi !

Il ponctue son sermon de claques sur mon malheureux postérieur. Je commence à la sentir passer cette remontrance et je ne sais pas vraiment combien il en reste. Il ne s’arrête qu’une fois qu’il pense que je suis suffisamment calmée pour faire profil bas… enfin, essayer du moins.

- Alors revenons à nos moutons…

- Ah tu les appelles comme ça ?

Ce n’est absolument pas drôle mais je n’ai pas pu m’en empêcher. Je me mords les lèvres en baissant la tête, attendant de me prendre une rouste digne de ce nom. Mais rien. Je lève les yeux, j’aperçois son reflet. Un sourire amusé sur les lèvres qu’il tente de dissimuler, il semble hésiter sur la marche à suivre. L’avoir déstabilisé sans préméditation me plaît et je lui rends son sourire. Je crois que je vais m’en tirer sans trop de dommages cette fois-ci. Reprenant son attitude de Monsieur-sérieux, il réitère sa question.

- Il en reste combien ?

Là, je me décompose.

- Je ne sais pas… j’étais censée compter ?

- À ton avis ?

Silence.

- On reprend du début alors.

Je ne sais si c’était une question ou une affirmation, dans le doute, je réponds.

- Non, s’il te plaît… 

Je me contiens mais je suis prête à me rebeller pour de bon s’il met son injustice à exécution.

- Hmm… on va considérer qu’on était à cinq alors.

À son ton, il me signifie qu’il me fait une fleur mais je sais qu’il est en train de m’embobiner : il m’en a donné plus !.. Mais combien ? Mystère ! 

Je n’avais qu’à être plus attentive, en plus, je me fais avoir presque à chaque fois !

Je lui lance un regard noir et pourtant le soulagement se lit sur mon visage. J’hésite entre le remercier et le maudire. Dans le doute, je me tais et me prépare à la volée suivante.

On arrive à dix rapidement. Il espace moins les coups. C’est à la fois rassurant et inquiétant. Il aime me perdre, de toute façon.

À onze, je m’écroule sur le lit. J’ai tenu plus longtemps que je croyais. 

- En position, Bérénice, gronde-t-il dans mon dos.

J’ai envie de lui dire qu’il peut aller voir dans la salle de bain si j’y suis, s’il n’est pas content mais je me mords les lèvres et reste muette.

Je souffle et je me remets à quatre pattes, le dos plat, cette fois.

- Ta position ! Ne me force pas à me répéter, Miss B.… ou ça risque de te faire tout drôle.

Il me murmure sa menace à l’oreille. Un frisson me parcourt.

On a tous les deux envie que je cède au petit diablotin penché sur mon épaule me demandant de le défier… Mais j’hésite et lui aussi d’ailleurs, pas pour la même raison, bien sûr. Si j’étais pour une fois un peu plus sage, cela ne le dérangerait pas. Et moi, si pour une fois, j’étais moins prévisible…

Une fois n’est pas coutume, je me retiens. En tout cas, pour le moment.

Je creuse mes reins, lui offrant une vue imprenable. Je redresse la tête et j’attends. Il prend son temps mais l’impact arrive. Il arrive toujours. Il enchaîne avec trois autres coups. Je souffle de plus en plus bruyamment mais aucun autre son ne sort de ma bouche : une sorte de pari entre nous, il ne me fera pas pleurer.

- Quinze… quinze !, je souffle.

- Bien !

Il a un sourire dans sa voix. Je crois que cette séance sera la bonne, il va me faire craquer. Mais je vais me battre jusqu’au bout. Hors de question de lui laisser la victoire trop facilement.

Le seizième me prend par surprise. Il ne joue pas à la loyale. Je m’effondre à nouveau. Je me redresse pour lui jeter un regard furibard. Cela a l’air de l’amuser follement. Je n’y tiens plus : je veux lui faire ravaler son sourire de vainqueur.

Mode guerrière activé, je serre les dents et je verrouille mes reins : il ne m'aura plus pour cette série ! Ma promesse est ferme.

Il enchaîne les cinglées et le défiant du regard, j'énonce chaque coup sans me tromper. Je souffle comme un bœuf mais pour une fois, ça m'est bien égal. Je vois dans ses yeux une lueur d'étonnement : il ne pensait pas que je réussirais !

Sa mésestime renforce mon obstination.

Je me redresse et d'un mouvement de menton, lui demande silencieusement la suite du menu.

Il me prend au mot :

- Jolie mise en bouche ! Si on passait aux choses sérieuses ?

Cette question n'appelle bien évidemment pas de réponse, pourtant je ne peux m'empêcher de mettre mon grain de sel :

- Hm… Pourquoi pas ?

Dos à lui, je minaude. Je sais pertinemment bien que ça risque de me valoir une punition plus salée mais encore une fois, je ne sais pas me taire quand je peux l'embêter encore un peu. Un frisson me remonte l'échine quand j'essaie d'imaginer ma prochaine punition. Je secoue la tête pour chasser ces visions. De toute façon, en la matière, je lui fais confiance les yeux fermés : il a une imagination débordante et je ne fais pas le poids. Alors je cesse cette torture mentale pour me reconcentrer sur l'instant.

Je me retourne enfin vers lui. Ses pupilles se sont dangereusement dilatées : ça ne me dit rien qui vaille ! Curieusement, il a encore son sourire joueur… je ne sais sur quel pied danser. Dans le doute, je me tais et attends.

- Ah au fait, j'allais oublier : j'ai un petit cadeau pour toi, Miss B.

J'ai envie de battre des mains comme une enfant et de sautiller de joie : il pense un peu à moi quand il n'est pas là. Mais une petite voix sournoise m'incite à la mesure : à tous les coups, c'est un piège.

Il revient dans ma chambre avec les mains dans le dos et comme un gosse victorieux, il me demande :

- Quelle main ?

J'ai envie de lui dire combien je le trouve puéril et pourtant je me laisse prendre au jeu. Je fais mine de réfléchir intensément et je désigne :

Celle-là !

- La droite, tu es sûre ?

- Arrête de me faire languir, tu me rends chèvre !

J'avais essayé d'accentuer mon ton ironique afin que mon ordre ne le braque pas : manifestement j'ai échoué.

- Attends que je m'occupe de ton cas et tu seras vraiment chèvre…

Douche froide. Je sens que je ne fais qu'aggraver mon cas depuis que je lui ai ouvert la porte tout à l'heure.

Il me dévoile sa main droite : il tient une magnifique brosse en bois. Cela faisait longtemps qu'il me la promettait mais je croyais que c'était une menace en l'air. J'avais tort.

J'avale ma salive avec un peu trop de difficulté.

- Et la gauche ?, je demande.

Ma voix est éraillée. Cette punition me fait flipper d'avance. Il le sait : même sans y avoir déjà goûté, la brosse me fout les jetons.

Il me montre alors un élastique noir, tout ce qui est de plus banal. Je comprends instantanément que la dernière fois l'a passablement irrité quand je me cachais derrière mes cheveux et que maintenant, il prend les devants !

Satisfait de son effet de surprise, il m'ordonne d'approcher. Mais, je ne bouge pas. Mon cerveau mouline à plein régime : je cherche désespérément un moyen d'échapper à la punition promise. En vain.

- Approche !, répète-t-il.

Sa voix légèrement plus rauque me conseille de ne pas faire ma maligne encore longtemps. Et pourtant, je reste immobile, fixant mon futur instrument de torture. Je dois avoir l'air effrayé car il s'adoucit un peu. En quelques enjambées, il vient m'attraper par le bras. Gentiment mais fermement. Il me fait asseoir par terre tandis qu'il prend place derrière moi sur mon lit. Entre ses jambes écartées, je me laisse coiffer, docilement. Un peu hébétée, je ne pense qu'à elle. La brosse. Je ressens profondément chaque picot effleurer mon crâne et je me demande comment je vais supporter cet instrument de malheur. Prenant son temps – et je suis sûre qu'il le fait exprès – il passe et repasse sur mon cuir chevelu. J'ai envie de lui dire qu'on ne va pas s'éterniser là-dessus : ça y est, je suis coiffée ! Mais, je me tais. Si j'ouvre la bouche, je ne pourrais qu'émettre un filet de voix pathétique. Mon cœur bat la chamade, l'attente a commencé. Ma queue de cheval attachée, il me prend par la main pour me relever en douceur. Une fois debout, je me dégage un peu brusquement, il est vrai, de son emprise. La réaction ne se fait pas attendre : deux claques sèches sur les fesses me surprennent. Il m'attrape par les cheveux et m'oblige à s'allonger sur ses genoux. Sa prise facilitée par ma nouvelle coiffure, je ne peux pas résister sans me faire mal, alors j'obtempère en grognant.

- La moindre des choses Miss B., quand on fait une bêtise, c'est de l'assumer !

- Ai-je le choix, de toute façon ?

Je pensais l'avoir marmonné dans ma barbiche mais il l'a quand même entendu : une série crépitante s'abat sur mon postérieur de plus en plus rouge. Je me force à rester immobile, pour ne pas lui faire le plaisir de me débattre.

Une fois cette petite mise au point effectuée, il reprend son sermon.

- Non, tu ne l'as pas ! Et je te conseille de ne pas pousser le bouchon trop loin, alors cesse tes commentaires !

- Oui, Monsieur !

Mon ton faussement obséquieux lui déplaît fortement vu la manière qu'il a de tambouriner sur mon cul ! Et encore, il n'a pas vu mes yeux rouler au ciel…

- Si tu ne veux pas comprendre… Tant pis pour toi ! Attention, ça risque de piquer un peu !

Doux euphémisme ! Les cinq coups à la brosse consécutifs m'ont fait crier malgré moi. Et pourtant Dieu sait comme je suis silencieuse durant nos séances.

Sans même le voir, je l'ai senti se détendre et accueillir ma plainte sourde d'un sourire triomphant. Je respirais bruyamment et de mauvaise foi me défendis d'avoir mal.

- Si tu crois que ce sont tes petites tapes qui vont m'amener à résipiscence, tu mets le doigt dans l’œil ?

Oulà ! Je joue vraiment avec le feu… et en l'occurrence, ce sont mes fesses qui me brûlent !

Étonnamment, je le sens sourire alors que je m'attendais à une correction digne de ce nom.

- Et si tu crois vraiment que c'est bientôt la fin, c'est que tu me connais encore bien mal ! Ce n'était qu'un petit avant-goût pour fêter ta première fois. Mais on va passer à la vitesse supérieure avec plaisir, puisque c'est si gentiment demandé...

Je ne sais pas si son ton m'a fait plus d'effet que d'ordinaire, toujours est-il que sous sa menace à peine voilée, je me suis mise à ruer comme un cabri, sans que ma raison ne parvienne à me calmer. Sentant sa poigne faiblir, j'ai cru y voir une ouverture et surtout une issue de secours. Comme je me trompais !  Monsieur, voyant clair dans mon jeu, a tout de suite paré une éventuelle fuite en calant ma jambe gauche sous sa cuisse droite. Totalement, immobilisée, (et paniquée, il me faut l'avouer…), j'implore sa clémence en vain.

- Stop ! S'il te plaît ! Je te promets…

- Bérénice, tu n'as qu'un mot à dire et je te libère sur le champ… sinon tais-toi !

Je me renfrogne. Il a parié que je dirais mon satané mot de sécurité, je maintiens bien évidemment le contraire ! Même si je renâcle, je peux très bien assumer mes bêtises, sans joker.

- À ta guise, Miss Marquise !

Ce surnom m'irrite, alors il se plaît à l'utiliser évidemment ! Car, lui, ce qui l’insupporte ce sont mes airs de petite princesse infernale… S'irritant mutuellement, il était logique que notre séance tourne au règlement de comptes… d'ailleurs, mon ardoise était tout sauf petite – plus proche du tableau d'amphi que de la tablette d'écolier, à vrai dire !

- Combien ?

- Ah, non pas encore ! Choisis tout seul et arrête de me demander, j'en sais rien !

La main plaquée sur ma bouche, je comprends bien que j'ai encore loupé une bonne occasion de me taire. M'attrapant par ma queue de cheval, il tente de me l'expliquer, ainsi cambrée au maximum.

- Redonne-moi un ordre et tu vas voir ce qui va t'arriver…

Mes mains rejoignant les siennes, j'essaie de me libérer en le griffant mais peine perdue : plus je tente de lui faire lâcher prise, plus il resserre sa poigne. De guerre lasse, j'abandonne ne serait-ce que l'idée de pouvoir me libérer.

Un autre jour, j'aurais testé ses limites pour savoir ce qu'il pourrait advenir de moi si d'aventure, mon ton serait à nouveau autoritaire, mais pas aujourd’hui. Mon ardoise ne me le permet pas : j'ai trop poussé pépé dans les orties ; il en est sorti furax.

- Pardon, pardon… Aïe ! S'il te plaît…

D'un coup sec sur sa prise, il rapproche mon visage de sa bouche. Ses yeux se sont noircis, sous l'effet de l'exaspération… et peut-être même de l'excitation. La douleur me fait froncer les sourcils mais je ne bronche pas plus. Ma respiration est devenue haletante mais je ne pipe mot. Il m'observe cherchant à lire en moi. J'essaie d'être le plus neutre possible mais il a compris que mon côté rebelle vient de se faire la malle.

- Calmée ?, gronde-t-il entre ses dents.

Ma voix est enrouée mais j'acquiesce malgré ce que cela peut me coûter. Satisfait d'avoir dompté quelque peu le petit animal qui sommeille en moi, il plisse les yeux de contentement. Comme un chat devant une soucoupe de lait. Il relâche peu à peu sa poigne et je me rallonge docilement sur ses genoux.

- Bien. Où en étions-nous ?

Son ton désinvolte me déconcerte, comme si ma petite rébellion n'était qu'un léger contretemps à ses yeux. Je ne sais s'il attend réellement une réponse ou si c'est encore une de ces questions rhétoriques piégeuses. Dans le doute, je reste silencieuse. Ça au moins, je sais faire.

Mais il se racle la gorge bruyamment, et je le sens s'impatienter alors je tente.

- Cinq…

- Et tu en mérites combien ?

- …encore dix ?

Il se met alors à rire comme si j'avais fait la blague du siècle. Déconcertée, j'attends patiemment : au moins pendant ce temps, il ne martyrise plus mon cul !

Après quelques secondes, il se calme mais cela annonce plutôt la tempête.

- Haha ! Tu rêves, ma petite !

- Il fallait bien que j'essaie…

- Hm…

Il n'a pas vraiment l'air convaincu.

- Ça ne me coûtait rien…

- Ça, c'est ce que tu crois !

Son ton sadique me transporte ailleurs. Dans un ailleurs cotonneux où il y a des éléphants roses et des licornes… bon j'exagère un peu, mais pas de beaucoup ! Un jour, peut-être, on jouera avec tout son attirail qu'il m'a montré une fois. Pour l'instant, je suis bien trop froussarde. Je sais qu'il attend que je sois prête, que je le lui dise. Un jour peut-être. Pour l'instant, on en reste aux effronteries faciles et aux sanctions puériles.

Un coup bien placé me fait redescendre de mon nuage.

- Tu rêvasses pendant une punition ? Vraiment ?!

À l'entendre, j'ai l'impression d'avoir commis un crime de lèse-majesté… Il faut vraiment qu'il se détende et prenne des vacances… Mais je ne lui dévoile pas mes pensées, pas folle la guêpe !

- Pardon ! Six ?

- J'avais plutôt l'impression que c'était huit mais comme tu veux !

Et mince…

Il continue à me claquer les fesses avec sa satanée brosse. J'encaisse mais je ne sais combien de temps je vais tenir…

Il enchaîne les coups en me maintenant fermement. On en est déjà à treize. Je gigote de plus en plus et à présent, je laisse échapper des petits gémissements de douleur. Je maudissais la brosse avant cette séance, Dieu seul savait pourquoi, maintenant j'ai une bonne raison de la détester. Je sais que mes mouvements saccadés l'agacent voire même le blessent un peu parfois. Je le sens se raidir quand mes articulations roulent sur ses tendons mais il ne se venge pas pour autant sur mon cul : il continue sa valse d'impacts avec la régularité inquiétante d'un métronome. N'y tenant plus, j'ose avancer mes mains sur mes fesses, espérant m'octroyer une pause.

- Bérénice, tes doigts !

Sa cruauté a visiblement une limite, la brosse n'est pas pour mes menines. Je maintiens ma position tout en reprenant mon souffle.

- Tes doigts ! Ou tu vas réellement avoir mal, je te le garantis.

Il perd patience mais je suis butée.

- M'en fous ! C'est déjà le cas de toute façon…

- Ne t'en fais pas : tu vas vite saisir la différence !

Sa voix ne me dit rien qui vaille : il saisit mes poignets à une main et bien que je continue à me débattre comme un beau diable, il tient bon. De l'autre main, je l'entends défaire maladroitement la cravate qu'il aime porter par coquetterie mais aussi parce qu'il est bien conscient de l'effet qu'elle me fait. Son air de Monsieur sérieux m'impressionne toujours un peu, même si je ne lui dirais jamais. Mes mouvements le gênent mais après une claque bien sentie sur mon cuisse, il réussit à nouer fermement mes poignets ensemble. Je teste machinalement le nœud mais je sais d'avance que je ne me libérerais que selon le bon vouloir de Monsieur. Chose qui n'a pas vraiment l'air d'actualité. Pour l'heure, il préfère admirer sa proie prise dans ses filets.

- Eh bien, Miss B., heureusement que je t'ai prévenue que ce serait une séance sportive…

Il se moque de moi mais je sens qu'à force de se battre avec moi, son souffle devient court. Bien qu'absolument pas en position de le taquiner, je ne résiste pas à le lui faire remarquer, sur le même ton.

- Eh bien, Monsieur, heureusement que je t'avais dit de te remettre au sport urgemment…

Il laisse échapper un petit rire discret, toujours surpris par mon audace même après plusieurs séances.

- Tu as raison, cette petite pause n'a que trop duré, il ne faudrait pas que tu croies que je ramollis, quand même !

Et raffermissant son emprise, il recommence une fessée crépitante à la main. Au bout de quelques minutes qui me paraissent des heures, il s'arrête à nouveau. Tenue vigoureusement avec les mains dans le dos, ma liberté de mouvements est réduite et je ne peux qu'encaisser en lâchant des petits cris de souris ridicules quand la douleur se fait trop forte. Je l'insulte mentalement mais j'ai encore la présence d'esprit de ne pas lui dire le fond de ma pensée.

- Alors, Mademoiselle est rassurée ? Tu vois que je peux encore t'en mettre une, même un peu essoufflé…

Un rire fébrile secoue mon corps. Le voir joue toujours avec mes nerfs. Quand je refais nos joutes, après coups, j'ai toujours encore quelque chose à rétorquer. Mais à cet instant précis, des larmes perlent sur mes cils et j'essaie seulement encore de le lui cacher. Je souffle et renifle le plus silencieusement en essayant de faire mine de rien, comme si j'étais simplement fatiguée par cette salve. Je suis ravie que le miroir soit en tête à tête avec mon cul, j'ai encore l'espoir d'ainsi faire illusion.

 - On continue, ou tu as ton compte ?

Je reste coite. Je ne sais quelle réponse est la meilleure. Pour lui. Pour moi.

- Quelle tête de mule. Je devrais continuer, jusqu'à ce que tu rendes les armes. Vraiment.

Il ponctue sa phrase par une claque sèche à la jointure de la cuisse gauche. Je me surprends à le remercier de s'arrêter du bout des lèvres. Il avait raison, cette séance est spéciale, pas tant dans son intensité que dans l'atmosphère qu'il a créée.

Me déliant les poignets, il continue, me maintenant sur ses genoux.

- Deux leçons aujourd'hui. 

Je fronce les sourcils, en me massant les poignets.

- Primo, apprends à être polie, ça t'évitera des bricoles.

Je hoche la tête. Je ne suis plus de taille à cabotiner.

- Mais ça, je ne m'inquiète pas. Je saurais te faire rendre raison. Ça m'amène au deuxième point. Deuxio, comment veux-tu qu'on joue un jour avec ma panoplie, si tu mets de l'ego mal placé ? Apprends à connaître tes limites, si réellement mon coffre à jouets te fait envie. Ce n'est pas grave, de ne pas savoir encaisser comme Machine ou Bidule, mais par contre, se faire croire qu'on le peut... Tout ce que tu vas gagner, c'est te faire très mal. Et même une petite maso a ses limites. Donc connais-toi toi-même. Tu auras fait du chemin.

J'ouvre la bouche pour la refermer. Tout est toujours un test avec lui. Toujours, deux coups d'avance.

- Médite donc sur ça, ce soir. Maintenant, viens là, c'est l'heure du câlin. Je te fais grâce du coin, pour cette fois.





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