Dans ma mémoire, ils étaient bleus...
"Allô ?
...
C'est mon weekend. On était d'accord... Bon passe-le-moi.
Mon Loulou, tu vas faire un gros dodo. Et Maman revient bientôt. Promis. Je t'aime. Dors bien, mon Ange.
Tu me redonnes Papa, mon Chat ? Bisous !
Chéri, à part une urgence, tu gères, mon Amour. Je t'aime."
Je soupirais.
"Pardon. Je le coupe. On ne sera plus dérangés."
Tu me souriais, les lèvres collées. Était-ce de l'admiration dans tes yeux ?
"Quoi ?
- Rien."
Ce rien qui voulait dire tout.
"Et toi, tes gosses ?
- J'en ai un. Il est avec sa maman."
Je ne cherchais même pas à savoir si tu étais encore avec elle. Quels mystérieux accords aviez-vous ? Ça vous appartenait. Moi, j'étais libre pour notre fin de semaine. Toi aussi, pourquoi compliquer ?
Dix ans. Enfin, neuf. Et huit mois. De l'eau était passée sous les ponts. Pont du Diable, Pont Vieux, Pont de la Constitution. Pont-Neuf ?
Tu avais vieilli ; c'était ton enfant qui te donnait des cheveux blancs ? Tu avais l'air d'un vieux lion fatigué, ta crinière encore bien en place. Encore un roi. Pour combien de temps ?
Même à 70 berges, je te trouverais beau ?
J'étais plus grande que toi à présent. Même sans talons. Tu te tassais, mon Chou. Et pourtant, je sentais chaque muscle de mon corps se rétracter, se faire tout petits, te rendre ta grandeur.
On s'était mal quittés. Existe-t-il vraiment des gens qui savent ? Nous, non.
Tu m'avais dit que la prochaine fois qu'on se verrait j'aurais grandi. Presque devin, finalement. Presque.
"La maternité te va bien."
Je te rendis ton sourire. Aucune envie de parler layettes. Je me déshabillai, aussi prestement que dans le temps. J'étais pressée de retrouver nos sensations, oubliant presque que les souvenirs mentent toujours à force de les caresser. On en ferait des nouveaux ; peut-être que maintenant, ça serait à moi de te porter ? Je ricanais presque quand tu me passas la corde au cou. Juste pour le plaisir de me faire avancer plus vite sous le crochet.
Ta garçonnière aurait eu besoin d'un petit coup de frais, je m'empêchais de compter le nombre de filles qui avaient pu crier ici, sous les coups de fouet et de boutoir. Pour une fois, je ne voulais que nous, sans fantômes, ni passions tristes. Réussir là où on avait chu. Sans revanche, ni réparation, juste reprendre nos habitudes. Faire semblant d'être jeune et inexpérimentée, une dernière fois. Mais je n'avais besoin de rien prétendre avec toi, mon corps oubliait même comment marcher quand tu étais à côté, à me scruter, attendant un faux pas. Prétexte pour commencer.
Les yeux mi-clos de sérénité, je n'avais aucun mérite ; tu n'étais plus dans ma vie, et j'aurais des bras dans lesquels pleurer dans quelques jours, quand les endorphines finiraient par quitter mon corps à ta suite et que les marques déjà estompées, j'en arriverais à croire que je n'avais fait que rêver.
Un claquement impatient de langue m'apporta le doute.
Serait-ce vraiment un au revoir comme je l'avais promis à mon mari, ou bien ?
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