L'Inéluctable à retardement

"Bonjour, Monsieur. Avez-vous bien dormi ?"
Une tête pas très réveillée, en guise de réponse. Je me fais petite, je sais que je t'ai encore sucré quelques heures de sommeil. Mea culpa !
Quelques minutes plus tard, alors qu'on émerge tout en douceur, notre conversation dévie. Une envie subite.
"Dites, vous pourriez me montrer... S'il vous plaît ?"
Amusé par mon enthousiasme communicatif, tu te fais tout de même une joie de doucher ma bonne humeur.
"Aujourd'hui, on s'occupe de ton ardoise, ma grande."
Je rougis et me renfrogne.
"Pas toute la journée, quand même ? On peut faire des choses plus amusantes, non ?
- Ce sera très amusant, détrompe-toi."
Encore une façon de clore un débat bien à toi. J'ai voulu revenir à la charge mille fois, mais je n'ai pas trouvé le courage. Pesant le pour et le contre, j'avais l'impression que j'allais perdre gros. D'humeur maussade et pensive, je me tais pendant le petit-déjeuner. Débarrassant la table, d'une claque sur le cul, tu m'envoies dans la salle de bain.
"À la douche, jeune fille."
J'ai envie de te tirer la langue, mais je n'en fais rien. Je suis déjà plus tard. Que vas-tu me faire ? Qu'ai-je réellement mérité exactement ? Je me prends la tête pour rien, tu m'as déjà tout énuméré, pourtant j'ai la sensation qu'il y a encore matière à négocier. Mais habilement. Je suis aussi fébrile que si je jouais ma vie... Être fine et légère. Quels coups avancer ? Brutalement, frontalement ? Serpentant ? Aucune certitude. Aucune garantie. Je ne connais pas le mode d'emploi et ça me plonge dans un inconfortable que je déteste.
Je sors de la salle de bain en tenue exigée. À poil, donc. Tu m'attends déjà. Ai-je été trop longue ? Tant mieux !
"Pourquoi sommes-nous là ?"
Ah, oui mais non. Tu ne vas pas m'emmener sur ce terrain là. Je ne veux pas t'y suivre. Devant mon silence, tu t'amuses avec tes questions-réponses. Pour combien de temps ?
"Une certaine ardoise va nous occuper un certain temps..."
Je roule des yeux, mi-catastrophée, mi-agacée.
"Oh tu peux essayer de t'y soustraire. Mais uniquement par ton mot de sécurité. Autrement sois sage ou ce sera pire."
Si j'étais de bonne composition, je me serais peut-être jetée à tes pieds pour te supplier de répondre au feu que tu venais d'allumer. Là, j'ai senti un nuage au-dessus de ma tête qui allait m'empêcher d'être coulante une bonne partie de la journée.
"Alors le début de la rédemption est de demander humblement sa sanction."
Hmm... Tu rêves. La liste me revient en mémoire. Longue. Je ne vais pas te la réciter, non plus ?!
J'ai à peine le courage de soutenir ton regard, j'arrive à peine à avaler ma salive, et tu voudrais que je te réclame ma punition, vraiment ?
Au milieu de la pièce, mon corps semble peser une tonne. Je pourrais m'écrouler et pourtant je tiens. Tes yeux posés sur moi m'interdisent de faire autrement. Je songe à combien il serait aisé de m'allonger sur le tapis et de t'oublier. De tout oublier d'ailleurs, me laissant convaincre par Morphée, soudainement lasse. Mais je n'en fais rien.
Ton cul contre la commode, tu ne sembles même pas surpris. Désolée d'être si prévisible ! Moi, je ne pensais pas savoir te montrer si facilement mon mauvais caractère. Je pensais pouvoir être civile, peut-être un peu bornée mais assez raisonnable en définitive. Je savais très bien ce qui m'attendait. Alors pourquoi m'en étonner et retarder bêtement l'échéance ?
Je n'en savais rien. Je me laissais dominer par mon agitation. Ma soumission serait un long chemin de croix. Pour toi, comme pour moi...



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