1, 2, 3... 🎶




"3."

Ton message. Juste ça et je rougis comme une débutante.
Et puis un grand sourire illumine ma bouille. Je cherche à le réprimer, en vain.
Ça fait presque un mois que tu m'as proposé ce petit jeu. À n'importe quelle heure, tu m'envoies un chiffre et je dois me débrouiller. Si je dors ou que tu attends trop, j'ai un gage. "Trop" est à ta discrétion et aucun passe-droit. Même si j'ai râlé plusieurs fois, finalement ça me rassure. Au moins, c'est clair, net et précis. Carré, comme toi. Et puis, je ne te le dirais jamais mais j'aime tellement être sous pression par ton fait. 
Pour l'instant, je n'en ai eu qu'un seul, tu m'as dit qu'on solderait nos comptes en face, j'avais eu envie de sauter de joie dans ma chambre. Ce jour-là, je t'avais envoyé bouler sur silencieux. Pas envie de te parler, ni à personne d'autre, d'ailleurs. J'avais besoin d'un temps pour moi, à comater toute seule sous ma couette. Je pensais que j'allais chialer toute la journée et en fait, non. C'est toujours quand on s'aménage du temps que ça ne vient pas. Les yeux désespérément secs, j'avais scruté la tache au plafond près de la fenêtre pendant plus de six heures. Et puis, j'avais fini par m'endormir. Le lendemain, je n'étais pas non plus d'humeur mais tu avais su trouver les mots pour me rendre mon apparence de petite chose quémandant ton attention. Je ne voulais pas être punie et pourtant je t'avais supplié. Sentant que j'avais besoin de toi, tu m'avais proposé une date. Tu avais envie de me voir – même pour me fouetter ; j'avais alors à nouveau un sourire niais accroché aux lèvres. Depuis, j'essayais de faire honneur à ton éducation : pas une seule fois, tu m'avais reprise en défaut. Même si un peu fourbe, tu m'envoyais des messages tard le soir ou tôt le matin. Miraculeusement, bien que je sois une marmotte, j'étais passée entre les gouttes. Et à présent, tu ne cherchais plus à me tester ou me piéger. Mon obéissance t'était acquise, seul Dieu savait comment.
Je t'avais presque soufflé notre petit jeu, m'avais-tu dit. On se sextotait un soir comme d'habitude et pour te charrier un peu, je t'avais dit combien j'étais ouverte pour toi et que c'était quand même ballot que tu n'en profites pas. C'était ton œuvre après tout. Tu voulais des détails. Ton gode. Le gros. Bleu. Là, il rentrerait sans problème. Ni lubrifiant. Je ne savais pas si je t'excitais à ce moment précis, mais moi, j'arrivais à me mettre dans un état pas possible. Je crânais un peu, bluffant, sans doute. Je n'aurais aucun moyen de vérifier de toute façon. Mais ton gode qui me terrifiait, et me terrifie encore, était devenu à distance un puissant objet de fantasmes. Je n'aurais jamais parié. Tu me dis alors de me doigter énergiquement de deux doigts. Tu étais gentil... Tu aurais presque pu exiger un fist fucking, vu mon impertinence. Je ne sais toujours pas si je t'aurais obéi aveuglément. Ça aurait été encore sujet à des négociations infernales. Tu es malin. Tu m'avais ensuite envoyée au lit, glissant au passage de ne pas chercher à jouir. C'était une interdiction déguisée, je ne t'avais pas défié. Le lendemain matin, avant même de te saluer ou te demander si tu avais bien dormi, je reçus un message : 1.
J'allais te répondre pour savoir si ton téléphone beuguait, quand je saisis. Je venais de me réveiller, j'avais pas spécialement envie mais la tienne fut suffisamment communicative.
"Ok.
- Passe une bonne journée."
Je te renvoyai la politesse. Sans le savoir, l'engrenage était mis en branle.

"3."

Je fixe ce maudit chiffre depuis quelques minutes. J'ai encore cette comptine pour gosses dans la tête en plus. Je l'ai souvent quand on joue, on se demande bien pourquoi. Dubitative, je tente de rassembler mes pensées.
Ce n'est pas vraiment le moment ad-hoc, aujourd'hui mais il est hors de question de te faire faux bond. Mon corps et ma tête en refusent catégoriquement l'hypothèse. Pour une fois qu'ils sont d'accord, ces deux là... C'est évidemment pour se liguer contre moi. Enfin bref, je n'ai pas d'alternative : je dois réussir ton défi.
Les toilettes du train me dégoûtent vaguement. Je ne vais pas faire ça ici. C'est glauque. Et puis soudainement l'envie prend le pas. Je sais que c'est ce que tu attends de moi. Je ne veux pas te décevoir. Je me lave les mains consciencieusement et j'en glisse une dans ma culotte. 1,2. Je me doigte et me dilate. 3. Je fais quelques va-et-vient en pensant à toi. À moi, dépravée et penchée. Les cahots du train me donnent le tempo. Obéissante, je le suis. Je ne jouis pas. Tu ne me l'as pas demandé. Ton petit jeu réveille ma vessie. Je fronce les sourcils et me mords les lèvres. Tant pis, je n'ai pas le choix. En équilibre précaire, je me soulage. Quelqu'un cherche à ouvrir. Heureusement le verrou est solide. Je n'ose imaginer autrement...
Je me relave les mains et sors. Un vague regard noir au type sans gêne qui ne sait pas lire un pictogramme rouge et je retrouve ma place. En m'asseyant, je remarque que ma culotte est trempée. J'ai bien fait de pisser sinon je n'aurais pas pu tenir. Encore deux heures de trajet.
"C'est fait, Monsieur."
La réponse dix minutes plus tard.
"Bien."
Tellement laconique depuis le début de notre jeu. Et pourtant, ça me suffisait pour me faire décoller : il était content de moi.




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