Qui s'y frotte s'y pique


"Évidemment, Mademoiselle fait semblant de dormir... Je te laisse exactement trois secondes pour cesser ta comédie. Sinon, Petite Chose..."

Je me pinçais les lèvres pour ne pas gémir. Je me retenais de lui obéir aveuglément comme une petite chienne bien dressée. Au garde à vous dès qu'elle renifle son maître. J'avais peur d'attiser sa colère mais elle m'excitait tant d'avance. Même si je n'étais pas certaine d'être de taille à y faire face. Ou plutôt, j'étais sûre du contraire. Déchaîner une tempête trop violente pour moi m'envoyait déjà tellement loin...
Sauf que, les conséquences seraient réelles. Et que l'addition allait être salée. Je me cramponnais à sa couette comme si ma vie en dépendait. J'étais ridicule de me mettre dans ces états là, simplement pour un jeu. Mais justement ce n'était plus vraiment un jeu. Ce n'était pas qu'une bêtise. Et une punition. Insidieusement, c'était devenu beaucoup plus qu'un rapport de force sadomaso. Je ne savais plus ce que c'était et cet inconnu me grisait.
Un claquement sec me tira de mes pensées, me laissant interdite quelques secondes. Me retournant, je me carapatai le plus rapidement possible loin de lui. Il avait sorti le fouet, j'allais morfler. Et tremper son lit. Ma culotte ne ferait pas longtemps son job. Je serais morte de honte si la menace ne trompait pas autant mon envie. Vu le bruit du cuir contre le lit, je sentais presque déjà l'estafilade me brûler entre les omoplates. Pourrait-il un jour aller jusqu'à me faire saigner ? Juste un peu. Une goutte qui perlerait sur ma peau pâle. Un mauvais remake de Blanche-Neige qui nous ferait malgré tout jouir ? Il aimerait ? Me voir prête à lui offrir mon sang. Aller aussi loin juste pour nous et notre amour de l'outrance. Ne pas avoir peur de repousser nos limites. Ou plutôt flipper sa race et sauter quand même.
En attendant, j'étais dans de sales draps. Il continuait à faire claquer son fouet dans la chambre.
"Plus tu tardes..."
Il m'énervait à ne jamais finir ses phrases. Je savais déjà très bien que j'aggravais mon cas. Mais j'avais l'impression que c'était inévitable que ça se passe ainsi. Comme une évidence. On devait jouer nos rôles jusqu'au bout. En y croyant comme si on n'avait pas le choix.
Il lâcha soudain son fouet au sol, me laissant perplexe. Il profita de ma surprise pour se rapprocher. Mes sens en alerte, je le fuis comme je pouvais. On se coursait autour du lit. Il allait m'avoir à l'usure. Comme d'habitude. Mais pour l'instant, j'avais envie de croire que je pouvais encore lui échapper. Je lui lançai à la figure nos fringues qui traînaient là. Il les esquivait en riant.
"Ouh mais qu'est-ce que je vais prendre plaisir à te punir, toi."
Il n'avait pas haussé le ton, c'était presque un murmure. Sa voix grave et chaleureuse contrastait avec la froideur de sa menace.
Et surtout avec le "sadique" que je lui avais hurlé en retour, ne pouvant pas empêcher ma voix de dérailler dans les aigus. Il avait ri encore.
"Assumé."
J'avais envie de lui répondre un "gnagnagna" très mature ; il me rendait dingue. J'en perdais ma rhétorique légendaire. N'osant pas pousser le vice, je retenais le "connard !" qui me brûlait la langue.
"Et toi, tu vas assumer tes bêtises ?"
Il me prit à nouveau au dépourvu, je ne savais que répondre. Sentant la faille, il s'y engouffra.
"Et surtout, ton masochisme ?"
J'étais certaine que j'étais plus rouge que les coquelicots du tableau au-dessus du lit.
"On a vraiment besoin de toute cette scène, hein ? Ce serait pas plus simple que je t'attache et te fouette juste parce qu'on aime bien ?"
Évidemment que si mais bon, mettre d'accord ma tête et mon corps était toujours un travail de longue haleine. J'avais abdiqué depuis longtemps. Il aurait dû faire pareil. Là, il m'avait fait boguer. Erreur système.
Je me reculai encore de quelques pas. Il aurait pu me choper et faire ce qu'il voulait mais il attendait que ça vienne de moi. Pour m'embêter encore un peu.
"Je te demande pardon, je n'aurais pas dû te... Et encore moins deux fois... Tu as été patient, en plus..."
Je n'arrivais clairement pas à dire à haute et intelligible voix que j'avais profité d'un moment calme où il avait baissé sa garde pour lui croquer un bout de peau. Des fesses. J'étais tellement fière de mon coup. Tout en ayant tellement honte de mon audace. Je n'arrivais pas à le dire.
"Si tu veux que je t'attache pour te fouetter, dis-le la prochaine fois. Là, Petite Chose... Ça va être différent...
- Maître, je vous en prie..."
J'avais arrêté de croire que c'était encore entre un lui et moi classique, c'était évidemment entre le maître et son esclave. Si mon ego ne m'en avait pas empêchée, je me serais mise à genoux à ses pieds, à l'implorer autant que possible ; là, je savais que rien n'allait pouvoir me sauver. Je l'acceptais mieux à présent. Pourtant, quand il m'attrapa enfin, je ne pus m'y résoudre complètement et me débattis. Mollement. Mais j'arrivais quand même à lui griffer le bras, presque sans le vouloir. C'est vrai que j'avais encore besoin de lui donner des prétextes pour m'en faire baver. Il m'attacha sans trop de peine. J'étais crevée et presque résignée. Les poignets liés aux barreaux de la tête de lit, je ne pouvais encore que battre maladroitement des jambes. Et je n'osais plus du tout bouger après lui avoir mis un coup de pied un peu violent dans l'épaule. Je ne l'avais pas vraiment calculé.
"Là ma grande, je me retiens de t'en retourner une belle...
- Je sais, pardon..."
Je détestais tellement quand il intériorisait tout ainsi. Certes sa maîtrise était rassurante mais j'aurais préféré qu'il me colle une bonne gifle, à la place. J'étais désolée et je ne pouvais même pas lui mettre une main réconfortante sur le dos ou lui faire un bisou magique pour le lui prouver. Il aurait détesté, mais ça m'aurait fait du bien d'au moins essayer de me faire pardonner. Égoïstement.
"Punissez-moi..."
Mon filet de voix m'avait surprise autant que lui. Rien de prémédité. J'étais bien élevée. Et surtout prisonnière de ma culpabilité. Entre lui et moi, c'était comme ça que ça devait marcher.
"Ne t'inquiète pas, c'est bien mon intention."
J'étais rassurée et morte de trouille. Il n'y avait que lui pour me faire sentir ainsi. J'avais envie de le fuir et de lui sauter au cou.
"Je vais d'abord couper les griffes du chat enragé."
De quoi il parlait ? Mes alarmes résonnaient dans ma tête. Il joignit rapidement le geste à la parole : m'attachant les chevilles de chaque côté du lit. J'étais presque écartelée mais je n'osais pas protester plus que de quelques gémissements. Il allait vraiment pouvoir faire ce qu'il voulait, j'en tremblais un peu d'avance. Il alla chercher un coupe-ongles et entreprit de tenir parole. Je râlais ouvertement mais ne pouvant pas bouger, il fit le sourd. Je lui en voulais, je détestais qu'on puisse imaginer ne serait-ce toucher à mes ongles. Il allait mal faire ça, en plus. Et puis, comme tue l'amour, on pouvait difficilement faire pire. 
"Je t'ai bien épilé la chatte tout à l'heure... Je peux bien faire ça aussi. Petite poupée désobéissante, je fais ce que je veux... de toi."
Heureusement qu'il m'avait attachée, je lui aurais réellement sauté à la gorge autrement. L'image de mes poils sur sa bandelette de cire qu'il avait tenu à me montrer juste pour le plaisir de me voir rougir me faisait déjà sortir de mes gonds. Et il savait que je détestais poupée, aussi. Il le faisait exprès. J'étais désolée que mes ongles de pied un peu longs lui aient un peu griffé la peau, je ne pouvais pas faire plus que lui présenter mes excuses quand même. Et puis, c'était une chochotte aussi, il ne saignait même pas. Il aurait dû s'estimer heureux. Ma mauvaise foi n'étant visiblement pas ce qui était attendu, il me gifla en guise d'avertissement. Elle était petite mais vexante. Je me résolus tout de même à me taire. Il continua son œuvre : les vingt doigts y passèrent.
"Voilà, petit chaton inoffensif."
Je grognai, le regard mauvais. Mon coco, tu as plutôt intérêt à me faire dormir attachée si tu ne veux pas que je te morde. Et vraiment fort, cette fois. 
Il me laissa en plan, m'ordonnant de me taire. Ça me parut encore une éternité. J'essayais de le prendre comme un répit, mais le succès n'était pas vraiment au rendez-vous. Quand il revint, il tenait quelque chose derrière son dos.
"Tu te souviens de mon jardin ?"
Non. Je ne voulais pas. J'avais immédiatement saisi où il voulait en venir. J'aurais aimé pouvoir prétendre l'inverse. Mais ma bouche formait le o d'effroi. Ma poker face était à revoir. Je lui dis calmement que c'était hors de question. Bon d'accord, je hurlai en me débattant, comme je pouvais. Il fut gentil et compréhensif. Enfin, il eut assez pitié de moi pour accepter d'aller passer sous l'eau son bouquet et de le sécher. Il était peut-être deux heures du mat' avec nos conneries, mais ayant lu que certains animaux pouvaient pisser dessus, c'était non négociable. Quand il retourna dans la chambre, il avait pris ses précautions : ramenant un bâillon-boule en silicone en plus de ses plantes empoisonnées. Il m'imposa ainsi le silence et je pus me débattre autant que ma frousse me le dictait, il n'en eut cure. Il glissa ses tiges d'orties dans ma culotte. Mes cris étouffés n'empêchèrent en rien son chronomètre de tourner pour le temps décidé. Je dus me résigner à accepter sa torture urticante. Il eut même le culot de me dire que ça aurait pu être pire.
"J'aurais pu, en plus te contraindre à serrer les cuisses..."
Mes yeux lui lancèrent alors des éclairs, dignes des plus grands orages. Zeus n'avait qu'à bien se tenir.
Et puis, quant à savoir si la leçon avait porté ses fruits, ou plutôt ses plantes : ne plus mordre Monsieur... ou bien apprendre à courir plus vite. Évidemment, j'avais choisi l'option jogging !





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