Hors cadre.

"On n'est rien. Pourquoi tu fais attention à moi ?"
Il avait eu ce regard sans patience qu'elle aurait dû prendre au sérieux.
"Qu'est-ce que ça peut te foutre ? On ne s'aime même pas d'abord."
Il l'avait regardée de loin monter en pression. Il n'avait pas envie de ce genre de scènes. Mais là, il n'y couperait pas. C'était récurrent, en ce moment. Elle ne supportait pas le stress au boulot et n'arrivait pas à comprendre leur relation. Elle était à bout, régulièrement. Lui reprochant de trop la punir ou de lui passer tous ses caprices, selon l'humeur. Il commençait à trouver ça fatigant à la longue. Il ne comprenait plus ce qu'elle voulait. Il n'avait pas envie de la suivre sur les terrains rocailleux qu'elle s'efforçait à lui faire emprunter. Elle râlerait s'il passait outre son accès d'humeur et hurlerait s'il voulait la corriger. Il était piégé de toute façon. Foutu pour foutu, autant prendre son pied.
"Héloïse, déshabille-toi."
Au moins, il l'avait fait taire instantanément. Elle ne s'y attendait pas. Et puis, elle était remontée sur ses grands chevaux.
"Ça te suffit pas de me gronder pour rien ?! Tu veux en plus te rincer l'œil ?! Connard de vieux pervers !"
Il se demandait si les voisins entendaient tout ou si l'isolation suffisait. Il avait envie de la fouetter d'importance à la ceinture mais il n'arrivait pas à se mettre dans les habits qu'elle l'obligeait à porter. Il sentait pourtant confusément que l'avenir de leur relation était en jeu. Il en refusait le poids de toute ses forces mais il n'avait pas le choix. Elle continuait à crier. Il voulait uniquement l'apaisement. Sa semaine avait été crevante, il ne la voulait pas en sale gamine odieuse.
"Si c'est ce que tu penses, personne ne t'oblige à rester."
Il s'était vaguement entendu dire ça, comme si c'était un autre. Il n'avait rien prémédité et surtout il n'avait jamais souhaité la fin. Encore moins comme ça. Elle tremblait comme une feuille, il avait été beaucoup trop distant. C'était la première fois qu'il avait eu ce ton. Elle était perdue.
"Maintenant, si tu ne pars pas. Obéis."
Magie de l'instant. Elle se dessapa au milieu de l'appartement. Peut-être que les voisins d'en face profitaient de la vue, peut-être que les rideaux faisaient leur job, peut-être qu'ils étaient sortis. Il l'avait rendue muette, il allait pouvoir enfin réfléchir. Elle pleurait silencieusement et sans larme. Elle aurait sans doute voulu dire quelque chose mais les mots étaient si nombreux qu'ils désertaient sa bouche. Par manque de place.
"Max..."
Il n'avait pas encore envie de la rassurer, il voulait qu'elle comprenne les limites. Les vraies. Celles en dehors du jeu. Ce qui était grave et ce qui se réglerait à coups de canne. Là, elle avait franchi un pas de trop. Il avait senti son désarroi derrière son emportement. Il aurait aimé savoir y répondre, mais elle s'aveuglait, se laissant manipuler par ses angoisses. Il n'existait alors plus. Il allait la faire revenir mais ça demanderait du temps et de la patience ; il se demanda si ça en valait la peine de se battre. La laisser partir était plus simple. Il leva les yeux sur elle, retint un élan affectueux. Il se battrait pour eux. Elle comprendrait. Ce n'était pas parce qu'ils n'étaient ni en couple, ni amoureux, qu'il allait la laisser tomber. Ils allaient bâtir un territoire qui n'appartiendrait qu'à eux. S'inventer une forteresse. Bien sûr, les autres ne comprendraient pas. Il allait lui expliquer que ce n'était pas grave. C'était juste le prix pour sortir du cadre. Ils le paieraient. Ensemble.



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