À la sauvette

On s'était dit non pourtant.
Alors qu'est-ce que je faisais encore à demi-nue devant ses yeux ?

Une impulsion. Une folie sur un coup de tête. Le café était presque encore presque désert mais bientôt les gens viendraient pour midi, on s'était regardé : il était l'heure d'y aller. Profiter que les rues soient encore assez calmes pour choper nos rames respectives.
"Je reviens, garde mes affaires s'il te plaît."
Je cherchais des yeux le panneau, me voyant perdue une serveuse me désigna du doigt un petit escalier descendant vers les cabinets. Je la remerciai d'un sourire. 
Après quelques minutes, alors que j'allais remonter le retrouver, je l'avais croisé dans les escaliers.
Il avait descendu les dernières marches et sur une pulsion, par jeu, je lui mis une claque sur le cul en lui reprochant pour rire que c'était décidément un mauvais gardien. Il sursauta.
"Pardon ?!"
Comme dans un réflexe, il me prit par les cheveux et nous enferma chez les hommes. Estomaquée, je ne disais rien. Je crois qu'il était tout aussi surpris par sa propre audace. Il me mit dos aux chiottes. Pétrifiée, je ne bougeai pas. 
"Cul nu."
Son ordre fusa. J'imaginais des gens derrière la porte, nous avaient-ils entendus ? Vus nous engouffrer à deux ?
C'était ridicule, il n'y avait personne. Mais je craignais quand même qu'un employé zélé vienne frapper à la porte, vérifier qu'il n'y avait aucun problème.
Devant mon inaction, il déboutonna lui-même mon pantalon. Il ne me touchait qu'à peine. Ses frôlements étaient insupportables de délicatesse mais je ne pouvais me résoudre à lui demander plus. Il se recula d'un pas et ne voulant pas qu'il se répète, je baissai moi-même ma petite culotte. J'avais besoin qu'on reste discret, silencieux et rapide.
"Mains sur la tête."
J'obéis dans l'espoir qu'il se taise. 

Je me retrouvais ainsi face au mur, la porte sur ma droite. Au coin. Le temps qu'il pisse tranquillement.
Je mouillais. J'avais peur de goutter dans mes fringues bouchonnées à mes chevilles et surtout qu'il s'en aperçoive. Qu'il s'en serve contre moi.
Mes pensées tournaient comme un vieux disque rayé qui donne la nausée : des airs précis qui s'altèrent avec le temps. 
Je ne le faisais pas bander, j'en étais un peu vexée... J'aurais aimé savoir troubler sa miction, l'entendre jurer entre ses dents que je n'étais qu'une petite garce, mais il n'y avait que le silence que seul son jet troublait. Je n'osais ni parler, ni me retourner. À un moment donné, il tira la chasse d'eau et baissa la lunette pour s'asseoir dessus. En tout cas, je le croyais ainsi. Je tendais l'oreille pour m'extraire de ma cacophonie mentale. Il se mit à siffloter un peu de musique classique. Mais qui faisait ça ? Lui, manifestement. J'aurais dû frissonner, continuer de penser à après, et s'il y avait vraiment quelqu'un derrière la porte qui attendait... Mais toute mon attention était désormais tournée vers lui. Plus rien n'existait enfin. C'était n'importe quoi et ce n'importe quoi qu'il m'apportait, je le chérissais. Encore plus qu'il ne le comprendrait jamais.
Il aurait peut-être voulu que je le suce, mais il avait sûrement compris que c'était non négociable. Pas ici, pas comme ça, pas avec lui. L'air, sa présence, ce demi-silence, je sentais ma chatte s'humidifier encore à vitesse grand V. Et il ne m'avait même pas touchée. D'ailleurs, il ne l'avait pas fait cette fois.
"Bien, rhabille-toi."
J'étais outrée, qui avait envie d'entendre "bien" dans un moment pareil ? Et à la fois, fière comme une gentille petite écolière ; il était content de moi - maudit syndrome de la fayote !
J'avais froid, alors je ne me le fis pas dire deux fois. Je m'étais à peine refagottée qu'il tourna le verrou.
"Attends deux minutes et sors."
Ce n'était pas une claque sur le cul dont il aurait eu besoin mais d'une gifle, finalement. Il ne pouvait pas partir comme ça... Mais il était déjà sorti. Je patientai un peu, plus pour me calmer que lui obéir vraiment puis filai chez les dames. Je ne voulais pas lui montrer ma mine troublée. Donner le change. Un peu d'eau sur le visage, un coup d'œil intransigeant dans la glace. Je le rejoignis enfin.
Il réglait l'addition et l'air hivernal nous accueillit. Ce n'était pas suffisant pour apaiser mon esprit échauffé mais avait-on le choix ?
Arrivés à la bouche du métro, je me tournai vers lui, espérant encore je-ne-sais-quoi.
"Tu sais, je..."
Il me coupa la parole.
"Je sais..."
Il me serra furtivement dans ses bras. Je ne savais pas s'il m'avait réellement comprise mais c'est plus sereine que je m'étais assise sur mon strapontin.
Partie remise ? Sans doute pas, de toute façon, ce n'était plus qu'entre deux portes qu'on en avait réellement envie à présent...


Commentaires

Les plus lus du moment