De gustibus...


Que je m'allonge ?
Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée...
Je peux rester sur le fauteuil ? Je serais plus à l'aise. ...Merci.
Oh et puis non, je vais essayer la banquette.
Docteur, il faut que je vous dise.
... Je ne suis pas normale.
Oui, tous vos patients doivent vous le dire. Mais moi, c'est vrai.
Je suis mariée. J'ai deux enfants. Je les aime tous les trois. Fort. Vraiment.
D'ailleurs, ce n'est pas le souci.
Depuis que je suis adolescente, j'ai des goûts un peu... spéciaux, je crois.
Mon époux m'a fait craquer parce qu'à une vingtaine de balais, il commençait déjà à avoir une calvitie, et il avait une barbe naissante mais surtout récalcitrante.
Je crois que s'il avait tout rasé, il aurait pu être pas mal, clairement. Mais il tenait à ses malheureux poils. Maintenant il a une barbe fournie et plus un seul cheveux. Il est plutôt charmant surtout quand il fait un petit effort.
Mais justement, c'est à ces moments-là que je le trouve moins désirable...
Il fait la tête quand je ne me force pas à le complimenter... Alors, j'essaie... Mais parfois, ça ne suffit pas tant c'est contraint. Et il fait la tête quand même...
J'ai une sorte de... Je crois que vous appelez ça une paraphilie...
Je ne suis excitée que par le saugrenu, l'incongruité... Bref, le ridicule !
Quand mon mari met ses chaussettes avec ses sandales au printemps, parce qu'il a froid mais qu'il veut un avant-goût de l'été, je mouille. J'ai envie de lui sauter dessus. Tant pis, s'il y a les enfants, tant pis si on est en dîner de famille. Il n'arrive pas à me dire non dans ces circonstances, alors il se dévoue. On file aux toilettes, dans la salle de bain, dans une chambre. On jouit, ou parfois même pas, mais on se promet que ce n'est qu'une question de temps. Dès qu'on sera à nouveau libres, hop !
Je ne vais pas vous faire un dessin...
Enfin si, d'ailleurs !
Parce que là ça va, c'est mon mari. Je passe pour une femme amoureuse, aimante et passionnée. Rien de bien méchant. Je ne le viole pas. Il reste consentant. Il ne comprend même pas ce qui se passe réellement, le pauvre chéri.
Mais j'ai le même désir quand dans le métro, un homme a un tricot de peau qui dépasse de sa chemise... Que c'est laid... Mais ridicule. Surtout sur certains.
Et même l'autre jour, c'était une nana, vulgaire au possible. Son string apparaissait en transparence de son pantalon. J'ai eu envie de la faire hurler contre la barre, je me prenais pour une danseuse de pole dance dans mes rêveries. J'ai évidemment loupé ma station.
Et votre cravate, Docteur... C'est un cadeau ? Vous ne pouvez pas décemment acheter ça quand même... Rouge avec des pois bleus ? Y'a qu'à l'époque de la télé en noir et blanc que c'était autorisé... Et encore !
Un de ces jours, je ne vais plus me contrôler... Je vais me branler au travail uniquement parce la collègue d'en face aura mis un nœud ridicule dans ses cheveux, elle me fera penser à un Yorkshire de grand-mère. Ou alors qu'elle s'habillera comme une gamine de vingt alors qu'elle en a le double. Ri-di-cule !
J'ai toujours été un peu langue de vipère, je sais... Je crois que c'est de famille... Mes parents avaient un goût très sûr, d'ailleurs ils n'ont jamais compris pourquoi j'avais épousé François. Mais maintenant je crache sur les gens et j'ai littéralement envie de mélanger ma salive à la leur. Je me contiens. C'est dur... Mais pour l'instant ça marche assez... Je fais du yoga. Toute seule. En groupe, je n'y arrivais plus. C'est ridicule de voir tout ce monde essayer d'acquérir de la souplesse, maigrir, éliminer les toxines et puis se jeter sur une clope, une sucrerie ensuite. Et puis voir des culs boudinés dans des leggings trop serrés, oh la la... Mais vous n'imaginez pas le self-control qu'il faut... J'en aurais bien baisé trois. À la fois !
Alors, je me suis désinscrite et j'en fais toute seule. Parfois, avec des vidéos Youtube... Mais après, je m'accorde une douche, orientant le jet pour me détendre... Parce que le prof a utilisé une expression ridicule ou que sais-je encore...
Ah oui, c'est déjà l'heure ? Vous êtes certain ?
Dites-moi que mon cas n'est pas irrécupérable. Qu'est-ce que je peux faire ? Je suis une bombe à retardement...
Des électrochocs peut-être ?
Non... Une thérapie ? Vous êtes sûr que ça va être suffisant ? Okay pour commencer... Mais après...?
On verra, hum d'accord... Je suppose.
Au revoir. À la semaine prochaine.
Mais par pitié, changez de cravate ou la prochaine fois, on baise sur votre bureau. Non mieux ! Sur votre tapis hideux...
Vous avez des capotes dans vos tiroirs ?




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