Présomption de compétence

" Chut. Tais-toi. Je te promets du plaisir. "

Son fouet a claqué contre le sol pour m'exciter. Ça a presque réussi. Mais sa phrase me fait vriller. Je me tords dans ses liens comme une forcenée. Il rit doucement et les ajuste. Plus serrés. Je ne peux plus rien. Juste être là.

Comment peut-il promettre sans savoir ? Si même moi, je n'y ai jamais rien compris, comment tiendrait-il parole ? Ce n'est pas ça que je suis venue chercher, de toute façon. Je le hais de tout casser avec son assurance à la con. De dom, il n'a que le nom. Sois prudent, petit, la prochaine fois. Avec quelqu'un d'autre. Moi, je serai plus là. Et mens pas, ce sera mieux.

J'encaisse quand même ses coups, ses caresses, ses tortures. Je gémis. Je bave dans mon bâillon. Je suis déjà partie. Je fais des listes dans ma tête. De gens que je connais. Qui seraient mieux à sa place. Dans nos échanges qui me plaisaient pourtant, je cherche dans ses mots, des prémices de ce fiasco. Le tissu devient salé sous ma langue. Je crois qu'il me fait pleurer l'imbécile. Je me remémore plein de trucs. Qui me font mal. Et sourire. Même la bouche si contrainte. Et puis, j'échafaude des plans, cet autre gars avec qui j'échange depuis des mois, il sera sans doute moins décevant. Je me promets de faire différemment. 

Ça continue. Je ne sais même pas s'il capte une seule fois qu'il n'a droit qu'à l'enveloppe, la substance est ailleurs. Bien sûr, je verrai bientôt ses marques, mais elles ne comptent pas. Et ne compteront jamais. Je ne pense même pas que je vais prendre le soin de les cacher. Comme un secret jalousement gardé. Je ne les exhiberai pas non plus. Chose négligeable, je hausserais les épaules aux éventuels regards interrogatifs. Avec l'air le plus dégagé et désinvolte possible, ce n'est rien. Car ce n'est rien. Quelques désillusions de plus, un nom dans le carnet d'adresses à oublier, du temps perdu. Pas grand-chose. Je mouille sur ses doigts quand il les glisse dans ma chatte. Ça ne veut rien dire. Mon bassin cherche son contact. Je geins. Je perds le fil de mes pensées. Ah oui, en sortant du métro faut que je passe acheter du pain. Y'en a plus. Peut-être un croissant pour demain. Éventuellement. Bon du coup, c'est mieux si je prends une douche quand ce sera fini. Seule. Il m'offrira peut-être aussi un café, un truc. Je l'accepterais sûrement. Et puis, je prétexterais l'heure qui tourne pour m'enfuir. Enfin m'en aller. Il n'a rien fait de mal. Il ne saura sans doute jamais rien. Je ne vais pas piétiner son ego. On se fera la bise et on ne se verra plus. Ou peut-être juste un verre, plus tard, beaucoup plus tard. Histoire de prendre des nouvelles. Une drôle de convention à respecter même si on ne se connait que peu. C'est toujours comme ça. Alors, si je suis de bonne humeur, je jouerais le jeu. De la conversation. Celui des cordes et du martinet sera révolu. Allez bientôt, on se fera la bise et la rue me rassurera pour une fois. Je serai loin de lui.

Je suis fatiguée, on s'arrête. J'avais dû couiner plus fort, haleter comme un clebs assoiffé. Il a cru que j'avais joui. Il m'a dit une connerie, j'avais l'extase discrète et qu'il en aurait presque douté pour un peu, mais heureusement qu'il n'était plus novice. Dr Watson plus que Sherlock visiblement. J'ai esquissé un vague sourire. Qui ne veut rien dire. Mais qui a su le rassurer. Je me suis enfermée dans la salle de bain. Avec encore dans ma main la petite clochette. Celle qui remplace mon mot de sécurité quand je suis attachée. Je l'aurais fait tomber, on aurait tout stoppé. Sur le champ. Sans rien justifier.

Alors pourquoi, je m'infligeais encore ça ? Un énième type qui ne me convenait pas. 

Ma perversion étant ce vaste océan innommable, je ne revenais jamais indemne d'une baignade. Je savais juste une chose, le gars n'y était pour rien. Ça ne concernait que moi. Et cette soif increvable de me tourmenter. Un jour peut-être, ça se calmerait, mais en attendant, j'appellerais cet autre mec qui commençait à bien me plaire. Je prendrais en passant peut-être mon pied...