Fort heureusement

Es-tu heureux ?
Terriblement.


J'avais posé un jour la question à mon grand-père. Sur le coup, j'avais trouvé sa réponse bizarre mais je m'étais tu.
Et puis, un jour, j'ai pigé.
C'est en effet terrible tout ce bonheur. Qu'en faire ? Ça submerge. Ça rend coupable. Pourquoi moi, qu'est-ce que j'ai fait de bien ? N'y aurait-il pas plus méritants pourtant ? 
Et puis, ça prévient pas. Ça non ! Ça tombe sur le coin de la figure. 
Un cocard, rester sonné quelque temps. On a mal avec un sourire idiot cloué aux lèvres. 
Et puis quand on nous en demande la raison, on se met à rire, comme si c'était la vanne du siècle.
L'autre a l'air alors tellement triste et gris dans son incompréhension. Mais essaie donc, toi aussi, d'être heureux. Parfois ça vaut le coup, et même tous les précédents. Ceux qu'on prend dans la nuit, ou bien au contraire devant tout le monde, en plein jour. Ceux qui donnent envie d'abandonner. J'vais descendre du ring, m'en voulez pas trop... J'suis moins fort que vous, moi.

Le monde est aussi laid et médiocre qu'avant pourtant comme avec une loupe déformante, tout cela paraît petit... moche, mais si petit. Des jours où même ça devient tellement insignifiant, j'te jure.
Et puis, cette foutue envie de s'en sortir, on en parle ? Ce truc qui prend les tripes et serre le cœur. Qui fait mal à en crever. Est-ce qu'on s'habitue à vivre avec ? Cette rage qui sort de Dieu sait où et qui nous pousse à ne plus chercher à abréger l'histoire, qu'est-ce qu'on en fait, hein ? Et puis, si elle repart un jour, fatiguée à son tour, on deviendra quoi, nous après ? On saura vraiment à nouveau être malheureux ? Ou par habitude, le rictus joyeux continuera encore à s'accrocher ? Une vraie moule à son rocher, celui-là, ou bien ..?
Il m'avait appris beaucoup de choses, le vieux. Mais toutes ces questions qui vont avec ce fichu non-malheur, il avait oublié de m'en parler. Sans doute que ça m'aurait dissuadé de le chercher si j'avais su que le bonheur, ça faisait si mal au crâne. À s'en arracher les cheveux... jusqu'à en devenir ce chauve béat devant mon miroir qui me fout la trouille à m'envisager avec tant d'enthousiasme...





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