Anatomie d'une chute

- Non ! S'il te plaît. Maxence. On avait dit...

- Oh mais regarde, tu gardes ta culotte. Comme convenu. Tu ne pensais quand même pas t'en tirer comme ça ? Si ?

Calant mon shorty entre mes fesses, il tirait autant que possible sur le malheureux bout de tissu.

- Me traiter d'idiot, vraiment ?

- C'était pour rire... Tu vas pas te vexer pour si peu ? Max, s'il te plaît... Passe au-dessus de ça...

- Ce n'est qu'une bonne fessée. Tu ne vas pas te formaliser. Passe au-dessus...

Je me mordis la langue. Que j'étais bête de lui donner autant d'armes. La joute devenait presque ennuyeuse. Par ma faute.

Il me caressait le cul, tout en continuant la pression sur le textile. La tension sur l'entrée du vagin et mon clitoris frôlant le tissu, ma respiration haletante ne pourrait tromper personne. C'était inhabituel entre nous.
J'avais été surprise de me retrouver aussi rapidement sur ses genoux. Pour une broutille. Et la situation vexante ne faisait que renforcer notre excitation.
Dans un dernier sursaut de convenance, je me débattis. Nos fantasmes nous emmenaient n'importe où. On pouvait encore se reprendre. Prendre un café comme des gens civilisés. Tout oublier.
Mes tentatives les firent rire. Maxence cessa de ricaner quand l'os de ma hanche droite roula sur un nerf de sa cuisse gauche. Il m'immobilisa tant bien que mal, ne prenant plus de gants. Il avait lâché ma culotte. Toute son énergie concentrée à me contenir. Mon entrejambe plaquée contre la sienne. Je ne savais plus si je voulais qu'on arrête tout de suite ou bien...

- Paul ? Tu veux bien m'aider ? Mademoiselle semble avoir du mal à comprendre.

Je me figeai. On ne rigolait plus. Le rouge me montait aux joues. La chaleur des pommettes atteignant les yeux, les larmes menaçaient de rompre le barrage. Je m'empêchais de cligner pour ne pas les appeler.

- Avec plaisir ! Tu permets ?

- Bien sûr qu'elle permet. N'est-ce pas Ninon ?

Une claque sur la cuisse me fit comprendre que bien évidemment, ils me laissaient le choix ; ils trouveraient d'autres moyens de me punir si je refusais. Je savais d'expérience que leur perversité résidant dans les détails, je ne pourrais que regretter de regimber.
Je hochai tristement la tête. Nos cafés seraient définitivement froids. Connaissant leur addiction pour le breuvage brun, ils allaient me le faire payer plus cher.

- On ne t'entend pas. 

Il commençait à me fesser pour me délier la langue. Je ruai. Je fus vite maîtrisée. Depuis quand avait-il cette force ?
Avec Max, l'histoire était compliquée. On s'était rencontré sur Internet, un site spécialisé dans nos obsessions. On avait conversé pendant longtemps sans parler de fétiche, puis naturellement, on avait pris un verre. Je m'étais retrouvée quelques fois sur ses genoux, pour tester. Mais il ne domptait pas mon esprit, me laissant sur ma fin, alors on s'était mis d'accord pour entretenir notre lien, boire un verre amicalement de temps à autre. Je le trouvais trop gentil pour avoir envie de lui baiser les pieds. Je le voyais comme un gros nounours, et sa câlino-thérapie était toujours bienvenue. Alors qui était ce grizzly qui d'un coup de patte pouvait me mettre à terre ? L'avais-je à ce point sous-estimé, sûre de son affection pour moi ?
Quand il m'avait dit que Paul passerait sûrement pendant notre goûter déjà programmé, je n'avais pas imaginé deux secondes que ça puisse finir en pugilat avorté. J'avais croisé quelques fois Paul, en soirées épicées, mais bon enfant. Je ne le connaissais que peu, mais je m'efforçais à ne pas me retrouver seule avec lui. C'était un type charmant, ayant une femme adorable qui ne connaissait pas la jalousie, mais dès qu'on parlait BDSM, ses prunelles s'allumaient, je m'y brûlerais à coup sûr, alors je l'évitais le plus possible. Un soir pourtant, Max m'avait dit que si jamais l'ambiance s'y prêtait, ils me fesseraient peut-être, et en blaguant, j'avais accepté si je gardais au moins ma culotte. Mon sourire et mes gloussements étaient clairs, c'était seulement badin. Était-il finalement sérieux ? L'avais-je vraiment froissé un jour pour qu'il veuille à ce point me montrer qu'il n'était pas une peluche s'amusant à jouer les alphas ?
Je cherchais encore.

- Je consens.

Ma voix ne ressemblait plus à celle qui avait ri aux éclats en lui disant qu'il avait un humour d'idiot. Mon ordinateur analysait. À toute berzingue. L'air semblait au ralenti pourtant.
Pour faire la conversation, j'avais parlé du bureau, dans la boîte où je travaillais, de gros changements étaient en gestation, gardés secrets, un grand chamboulement serait ensuite à prévoir à lors de l'officialisation. J'avais dit que ce serait partout la surprise. Max m'avait alors demandé l'œil taquin si on pouvait appeler cela une "surprise-partout". J'avais rétorqué narquoise, et il attendait ma répartie, du reste. J'étais restée assez polie : j'aurais pu le traiter de con derechef. D'ailleurs, j'avais pris sans m'en rendre compte des pincettes. Est-ce que je pressentais quelques représailles, tout compte fait ? Impossible ?
Bien sûr, rien de tout cela n'était grave. Dans la vie courante, personne ne s'en serait offusqué. Mes collègues auraient approuvé. Ma famille aurait renchéri. Mais là, j'avais tout simplement oublié que j'étais avec deux hommes qui n'ignoraient rien de mes plaisirs masochistes, tout comme je connaissais leurs penchants dominateurs. C'était un boulevard pour nous.

Paul me maintint par la culotte, Maxence agença le tissu un peu mieux. Il effleura mes lèvres trempées. Je piquais un fard.
Paul s'approcha de mon oreille. J'étais persuadée qu'il souriait à son ami.


- Wedgie ? Tu connais ? On va te faire découvrir un nouveau jeu...

L'électricité parcourut mon corps, son chuchotement semblait avoir touché chacune de mes cellules. Je voulais. Eux. Lui. Ou lui. Je ne saurais pas lequel choisir. Les deux. Pour tout. Ce qu'ils voulaient. Ils ne pouvaient pas me faire autant saliver pour ne rien me donner. J'en aurais pleuré. On était anormaux, et alors ? Une larme de reddition s'échappa. Il était trop tard pour nous faire croire qu'on voulait autre chose.

- Ninon ?

Ils me cassaient les pieds à me faire acquiescer à tout. Trêve de formalités.

- J'ai... j'ai envie de jouer.

Une claque d'avertissement résonna dans l'appartement de Maxence.

- Messieurs...

Ce dernier mot me brûla les lèvres. C'était absurde. Il tapait pile dans les scénarios que je m'inventais adolescente, quand découvrant l'emballement et la moiteur de l'émoi, je me collais à mon lit, serpentant contre mon drap. J'imaginais alors des dominants, ou dominantes, selon l'humeur, qui me forçaient à leur prouver que j'étais digne de leur intérêt. Ils voulaient me faire baver comme un escargot en chaleur, ma chatte leur obéissant, je m'endormais alors, espérant les rejoindre. Un jour...



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